La gratuité des transports moteur de transition écologique ?

    27 avril 2023
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    Le contexte de réchauffement climatique pousse à se questionner sur comment décarboner nos mobilités en promouvant l’usage des transports en commun. La gratuité apparaît dès lors comme une des solutions pour répondre à ce défi. 

    Mais la gratuité des transports en commun est-elle un véritable moteur de transition écologique ? Pour y voir plus clair, nous montrerons tout d’abord les divers avantages de la gratuité des transports en commun puis nous observerons quelles sont les limites de celle-ci, avant d’étudier quelques exemples concrets de mise en place de gratuité des transports. 

     

    Les avantages de la gratuité des transports en commun

    La gratuité des transports présente un bon nombre d’avantages, bien souvent mis en avant par les Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) appliquant la cette mesure. C’est avant tout un outil pour engager la transition écologique. La mise en place d’un système de gratuité permet d’encourager l’utilisation d’un mode de transport plus durable que les voitures individuelles. Elle permet aussi de proposer une alternative pratique et économique à l’usage de la voiture. 

    La mise en œuvre de la gratuité permet donc une baisse des émissions de CO2, car elle entraîne une baisse de la circulation des véhicules individuels, dans une certaine mesure.

    La réduction des déchets peut être un autre avantage qu’il est possible de citer. Avec la fin de l’achat de titres unitaires papier et de l’utilisation de cartes d’abonnement en plastique, la gratuité peut aussi être vecteur de transition écologique en ce sens. Toutefois, cet argument n’est valable que dans le cas d’une gratuité totale et “universelle”, dans le sens où elle doit s’adresser à tous les utilisateurs, quel que soit son âge ou lieu de résidence. 

    Enfin, elle améliore l'image et l'attractivité du réseau de transports en commun. La gratuité peut permettre d’attirer plus d’utilisateurs du réseau. Il peut s’agir d’habitants de l’agglomération en cas de gratuité leur étant réservée, ou de touristes si cette dernière s’applique à tous. 

     

    Quelles sont les limites de la gratuité des transports en commun ? 

    L’instauration de la gratuité des transports présente plusieurs limites. En effet, l’une des premières à laquelle nous pouvons penser, est le risque de saturation du réseau. Il s’agit ici d’un risque qu’il ne faut pas négliger. La mesure étant très populaire, de nouveaux utilisateurs vont nécessairement emprunter le réseau (ce qui, in fine, est le but de l’opération), mais il est difficile d’avoir une prévision précise du nombre de nouveaux utilisateurs. Il est donc important de pouvoir bénéficier d’une marge de manœuvre en termes de fréquences et de cadencement des véhicules pour éviter la saturation. La gratuité peut également engendrer une sur-fréquentation des transports en commun, au détriment d’autres modes de transports, à l’image du vélo. 

    La saturation engendrée par la gratuité peut entraîner des retards et des perturbations en cascade sur l’intégralité du réseau et de manière récurrente, pouvant entraîner des mécontentements de la part de certains usagers, qui risquent dès lors de vouloir reprendre leur voiture personnelle. C’est d’ailleurs une question qui mérite d’être soulevée : la gratuité attirera-t-elle vraiment les automobilistes ? Ceux-ci cherchent avant tout le confort, il peut donc être pertinent de mesurer le taux effectif de report modal de la voiture vers les transports en commun. 

    Une telle mesure de tarification, peut également être perçue comme un vecteur de risque quant à l’insécurité. Il n’y aura plus de notion de “payant” et il se peut que dès lors, des incivilités peuvent survenir. La métropole de Montpellier, qui va appliquer la gratuité de ses transports à l’ensemble de ses habitants (voir ensuite), a décidé d’instaurer une “police métropolitaine des transports”, pour prévenir le risque d’incivilités et d’insécurité. 

    Deux autres questions peuvent également se poser avec la mise en œuvre de cette mesure. La question cruciale du financement : comment assurer les dépenses de fonctionnement, de personnel, d'entretien et de modernisation du réseau, sans entrées financières via la billettique ? 

    Enfin, si la gratuité s’accompagne de la suppression des cartes d’abonnement et des tickets, comment assurer le comptage des voyageurs ? Le MaaS, via l’utilisation d’itinéraires en temps réel permet une compilation anonyme des trajets effectués sur le réseau. Il est aussi possible d’installer des cellules compteuses aux portes des véhicules.

     

    Quelques exemples de l’application de la gratuité des transports

    Plusieurs villes de France ont mis en place la gratuité de leurs transports. Parmi celles-ci, il est possible de citer Montpellier, qui se revendique comme la plus grande métropole française à mettre en place la gratuité de ses transports en commun. Cette métropole à mis en place un système de gratuité exclusivement réservé à ses habitants. Le réseau montpelliérain est actuellement gratuit le week-end depuis 2020, et tous les jours pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans depuis 2021. Fin 2023, tous les habitants de la métropole bénéficieront des transports gratuits 7 jours sur 7. 

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    Le réseau d’Aubagne est quant à lui gratuit depuis 2009. Une augmentation de 230% du nombre de voyages a été enregistrée entre 2008 et 2018. Cette hausse peut s’expliquer par la mise en place de la gratuité mais également par la mise en service d’une ligne de tramway en 2014. 

    Dunkerque a déployé son système de gratuité en 2018. Cette mesure à été mise en œuvre dans un contexte où de nombreux véhicules du réseau circulaient quasiment à vide. La gratuité a apporté au réseau 50% de nouveaux usagers, dont 48% ont “abandonné” leur voiture. Le report modal de la voiture individuelle vers les transports en commun s’élève à 24% et 10% des utilisateurs du réseau DK'Bus ont mis en vente leur voiture. C’est donc un succès pour l’agglomération Dunkerquoise. 

    Enfin, nous pouvons également citer Châteauroux qui a doublé la fréquentation de ses bus, mais cette gratuité est en demie teinte car l’utilisation de la voiture sur l’agglomération castelroussine à diminué seulement de 1,4%. 

     

    Conclusion

    La gratuité des transports dispose de nombreux avantages pour attirer de nouveaux utilisateurs et ainsi peut être considérée comme un des outils à disposition des agglomérations afin d'accélérer leur transition énergétique. 

    Seulement, cette mesure représente également de nombreux inconvénients qu’il ne faut pas négliger afin de ne pas risquer de saturer le réseau, qui risquerait de sérieusement nuire à son attractivité, annulant ainsi les avantages de cette mesure. 

    Certaines agglomérations et métropoles ont déjà franchi le pas et proposent la gratuité de leurs transports en commun qu’elle soit réservée à leurs habitants ou à tous les utilisateurs. Il est à noter que le report modal de la voiture vers les transports n’est pas toujours évident.